Le 20 mai 2025, l’Union européenne a adopté un 17ᵉ paquet de sanctions contre la Russie, dans le prolongement des sanctions adoptées depuis 2022. Ce nouveau paquet se distingue par un renforcement de la lutte contre les mécanismes de contournement, dont les modalités tendent à devenir plus opaques et difficiles à détecter.
Plus largement, l’ONU et le Conseil de l’Union européenne peuvent adopter des sanctions économiques et financières à l’encontre de personnes, d’entreprises ou d’États. Il existe plusieurs types de mesures restrictives parmi les sanctions économiques internationales telles que le gel des avoirs, les embargos sectoriels ou militaires, l’interdiction d’exporter du matériel de répression interne et l’interdiction de voyager pour les individus désignés. En France, la Direction Générale du Trésor est chargée de leur application, afin de préserver l’intégrité économique du pays.
Bien qu’extérieures au cadre strict de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB-FT), les sanctions internationales constituent un dispositif complémentaire intégré aux outils de vigilance des professionnels de la conformité.
Actualisation des listes de surveillance : une obligation immédiate
Les nouvelles sanctions européennes étendent la liste noire à 75 personnes et entités, 189 navires, impliquant un gel des avoirs et une interdiction de toute mise à disposition de ressources économiques.
Les établissements assujettis à la LCB-FT définis à l’article L561-2 du Code monétaire et financier doivent intégrer ces ajouts dans leurs outils de filtrage dès la publication officielle.
Les systèmes doivent couvrir toutes les opérations financières, logistiques ou numériques (paiements, crypto-actifs, transport…), et tenir compte des bénéficiaires effectifs ou intermédiaires, y compris ceux situés dans des juridictions à risque.
Le défi du contournement des sanctions :
Les pratiques de contournement deviennent plus complexes, structurées et difficiles à détecter. Identifier le bénéficiaire effectif ne peut plus reposer uniquement sur les déclarations clients ou registres officiels : il faut recourir à des investigations approfondies et à des indicateurs croisés.
Parmi les mécanismes de contournement observés figurent :
- l’usage de sociétés écrans dans des juridictions à fiscalité privilégiée ou à faible transparence réglementaire
- le recours à des prestataires maritimes anonymisés ou sans historique fiable,
- l’emploi de comptes de correspondance dans des banques dont la régulation est plus souple,
- l’utilisation de plateformes crypto non enregistrées, souvent hors UE,
- le fractionnement des flux
Les flux liés à des secteurs sensibles (énergie, armement, technologies duales, transport maritime) sont particulièrement exposés.
Répercussions opérationnelles pour les assujettis :
Les mesures de sanctions complètent les obligations classiques de vigilance (articles L.561-6 et suivants du CMF), avec un enjeu central : détecter et bloquer rapidement toute tentative de contournement. Face à la complexité croissante de ces mécanismes, les assujettis doivent adapter et renforcer leurs dispositifs de conformité de manière globale. Cela passe par plusieurs leviers opérationnels tels que :
- la mise à jour régulière des listes de sanctions officielles (Union européenne, OFAC, ONU), complétée par une veille active reposant à la fois sur des agrégateurs de données spécialisées comme World-Check ou Refinitiv, et sur des sources sectorielles ciblées, telles que le registre maritime de l’IMO ou les adresses de portefeuilles cryptographiques listées par les autorités de régulation
- une mise à jour et un rescreening peuvent être nécessaires selon le degré de risque des clients, fournisseurs et bénéficiaires, afin de détecter tout changement de statut ou nouveau risque
- le recalibrage des règles de détection, pour mieux identifier les bénéficiaires dissimulés, les flux fragmentés ou les schémas atypiques
- une formation continue des équipes conformité et risques aux techniques émergentes de contournement.
Une fois une entité identifiée comme sanctionnée, le gel immédiat de tous ses avoirs s’impose : comptes bancaires, titres, assurances-vie, crypto-actifs…
Ce gel est accompagné d’une interdiction de mise à disposition, directe ou indirecte, de toute ressource économique, y compris pour des opérations déjà engagées. Cela implique le blocage automatique de tout avantage économique (paiement, service, livraison, prêt…).
En parallèle, toute opération suspecte doit faire l’objet d’une procédure d’escalade et d’une déclaration immédiate à TRACFIN, conformément à l’article L.561-15 du Code monétaire et financier. En cas de gel d’avoirs, une notification complète doit également être adressée à la DG Trésor et à TRACFIN, précisant les montants concernés. Ces mesures visent à garantir une surveillance efficace, à sécuriser les flux et à limiter les risques de non-conformité.
Conclusion
Les sanctions financières, bien que distinctes des obligations LCB-FT, s’intègrent à l’approche par les risques prévue par le CMF. Leur respect, notamment face aux tentatives de contournement, est essentiel pour détecter les flux atypiques liés à des zones, secteurs ou bénéficiaires sensibles, comme le rappellent l’ACPR et les directives européennes.
Sources :
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202500931
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202500936