La création de l’AMLA (Authority for Anti-Money Laundering and Countering the Financing of Terrorism)

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Le 20 juillet 2021, la Commission européenne a déposé un projet de règlement européen visant à créer une nouvelle autorité européenne, l’AMLA. Elle sera compétente en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et disposera de pouvoirs de surveillance et de sanction. Ainsi elle veillera à l’harmonisation de la réglementation applicable sur l’ensemble du territoire de l’Union Européenne. Les compétences actuelles en matière de lutte contre le blanchiment de l’ABE (Autorité bancaire européenne) seront transférées à l’AMLA.

 

Le 13 décembre 2023 le Conseil et le Parlement sont parvenus à un accord provisoire sur la création de la nouvelle autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, pivot central des mesures contre le blanchiment de capitaux visant à protéger les citoyens de l’UE et le système financier de l’UE contre les infractions de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

 

Compte tenu de la nature transfrontière de la criminalité financière, la nouvelle autorité renforcera l’efficacité du cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT), en créant un mécanisme intégré avec les superviseurs nationaux afin de veiller à ce que les entités assujetties respectent les obligations en matière de LBC-FT dans le secteur financier. L’AMLA jouera également un rôle de soutien en ce qui concerne les secteurs non financiers et coordonnera les cellules de renseignement financier dans les États membres.

 

Afin de remplir sa mission d’harmonisation de la réglementation LCB-FT applicable sur le territoire de l’UE, l’AMLA devra établir des normes techniques réglementaires, d’exécution qui seront par la suite soumises à adoption auprès de la Commission Européenne. Par ailleurs, elle pourra adopter des orientations destinées aux autorités de surveillance, aux différentes cellules de renseignement financier ou aux établissements assujettis et des recommandations spécifiques destinées à une ou plusieurs autorités de surveillance ou établissements assujettis.

 

Pour finir, l’AMLA pourra rendre des avis consultatifs dans le cadre de son champ de compétence et de sa propre initiative ou à la demande du Parlement européen, du Conseil de l’UE et de la Commission européenne.

 

Sa principale fonction reste la surveillance directe des entités assujetties sélectionnées et la surveillance indirecte des autorités de supervision nationales et des entités assujetties non sélectionnées.

 

I – La surveillance directe

 

Concernant la surveillance directe, l’AMLA aura la charge de déterminer les entités à surveiller directement. Elle disposera de plusieurs pouvoirs d’investigation et de sanctions.

 

a) La détermination des entités assujetties sélectionnées

 

Deux méthodes de sélection seront à l’appréciation de l’AMLA. La méthode « standard » vise la sélection des entités du secteur financier actives dans différents États-membre de l’UE et dont le risque de BC-FT est considéré comme le plus élevé. Ce profil de risque est déterminé par l’autorité de supervision nationale compétente en appliquant la méthode qui sera harmonisée par l’AMLA avant la première sélection. Le calendrier prévisionnel prévoit la première sélection en 2025. La liste des entités assujetties sélectionnées aura une durée de 3 ans et devra être renouvelée.

 

En sus de cette méthode « standard », une méthode « d’urgence » est prévue et vise l’hypothèse dans laquelle des éléments caractérisant un manquement récurrent d’une entité assujettie du secteur financier sont identifiés et qu’un risque de BC-FT important pourrait se concrétiser. L’AMLA pourra demander l’adoption d’une décision auprès de la Commission européenne pour soumettre l’entité à sa surveillance directe dans l’hypothèse où l’autorité nationale compétente n’est pas en mesure de prendre des mesures efficaces et rapides.

 

b) Les pouvoirs à disposition de l’AMLA en matière de surveillance directe

 

Le projet de règlement prévoit une coopération de bonne foi entre les autorités de surveillance nationales compétentes et l’AMLA avec une obligation d’échanger leurs informations. Les autorités de surveillances nationales auront une obligation d’assistance et l’AMLA pourra attribuer des missions précises ou transmettre les normes techniques d’exécution afin de préciser les conditions dans lesquelles les autorités de surveillance nationales compétentes devront assister l’AMLA.

 

L’AMLA coordonnera et mettra en place des équipes conjointes avec les autorités de surveillance nationales afin d’assurer la surveillance des entités assujetties sélectionnées.

 

Par ailleurs, l’AMLA disposera de plusieurs pouvoirs de supervision des entités assujetties sélectionnées en pouvant demander des informations directement ou usant des pouvoirs d’investigations à sa disposition auprès des entités assujetties sélectionnées ou de toute personnes physique ou morale appartenant à l’entité sous surveillance. L’AMLA devra notifier la procédure d’investigation à l’autorité de surveillance nationale compétente, sauf exception, dans le but qu’elle lui apporte son assistance.

 

Le projet de règlement prévoit que les sanctions administratives susceptibles d’être prononcées par l’AMLA devront être effectives, proportionnées et dissuasives. Les principes généraux des droits de la défense devront être respectés et notamment concernant la possibilité, pour les personnes faisant l’objet d’une procédure de participer au contradictoire et d’être entendues préalablement à toute sanction. Tout comme les pouvoirs de la Commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel de résolution (Autorité de supervision française), la décision pourra prononcer des sanctions pécuniaires et des mesures de remédiation.

 

Concernant les sanctions pécuniaires :

Manquements

Sanctions

Manquements identifiés dans un État-membre de l’UE

Manquement identifié dans plusieurs État-membre de l’UE

Manquements aux exigences liées au devoir de vigilance à l’égard de la clientèle, aux politiques et procédures du groupe, aux obligations de déclarations

De 500 K € à 1 M€ ou 0,5 % du chiffre d’affaires annuel

De 1 M€ à 2 M€ ou 1 % du chiffre d’affaires annuel

Manquements relatifs à toute autre obligation listée à l’annexe II de la proposition de règlement AMLA

De 500 K € à 1 M€

De 1 M€ à 2 M€

Violations des décisions de l’AMLA

De 100 K € à 1 M€

 

L’Annexe I du projet de règlement prévoit des coefficients d’aggravation des sanctions dans une limite de 10% du chiffre d’affaires annuel ou de 10 M d’euros. A titre de comparaison, la limite de sanction pécuniaire que la commission des sanctions de l’Autorité de supervision française peut prononcer s’élève à 100 M d’euros.

 

L’AMLA sera habilitée à imposer des astreintes à l’encontre des entités sélectionnées afin de mettre fin à un manquement ou pour exiger la transmission d’informations requises par décision de l’AMLA.

 

La CJUE sera compétente, de manière exclusive, pour traiter les recours à l’encontre des décisions de sanction rendues par l’AMLA. La suspension de l’exécution d’une décision ne pourra être prononcée que par une décision de la CJUE. Cependant, les juridictions nationales seront compétentes pour traiter les problématiques relatives aux irrégularités dans l’exécution d’une décision de sanction.

 

Par ailleurs, l’AMLA pourra prendre toutes les mesures visant à prévenir ou mettre fin aux manquements d’une entité assujettie sélectionnée, notamment, la revue du corpus procédural, la mise en place de mesures de conformité, la modification de la gouvernance, la restriction ou la limitation des activités, des opérations ou du réseau des établissements composant l’entité assujettie sélectionnée. L’AMLA pourra également proposer le retrait de l’agrément de l’entité à l’autorité de supervision nationale concernée.

 

II – La surveillance indirecte

 

Concernant la surveillance indirecte, l’AMLA aura la charge de l’évaluation de l’harmonisation en matière de surveillance européenne et de coordination.

 

a) L’Évaluation de l’harmonisation en matière de surveillance européenne

 

AMLA aura pour fonction de faire converger les pratiques de surveillance, il sera alors nécessaire de procéder à une évaluation de l’harmonisation en matière de surveillance européenne à l’égard des autorités de surveillance nationales financières ou non financières. Dans ce cas, l’AMLA exécutera un examen périodique des autorités nationales pour s’assurer qu’elles disposent des ressources et des pouvoirs nécessaires pour accomplir leurs missions. A l’issue de ces examens, l’AMLA rédigera un rapport présentant les résultats des évaluations et les mesures correctives à prendre, lesquelles pourront être adoptées via des recommandations ou des orientations à destination d’une seule ou plusieurs autorités de surveillance nationales.

 

b) Un rôle de coordinateur

 

La Commission européenne a proposé une directive COM (2021) 423 qui prévoit l’obligation, pour les États-membres d’établir des collèges de surveillance spécialisés en matière de LCB-FT lorsqu’un établissement de crédit ou un établissement financier non sélectionné opère dans au moins deux États-membres que celui où se trouve son siège social ou lorsqu’un établissement de crédit ou un établissement financier d’un pays tiers a créé des établissements dans au moins trois États-membres.

 

Dès lors, l’AMLA aura la charge de coordonner ces collèges qui pourront servir afin d’échanger des informations, fournir une assistance mutuelle ou coordonner l’approche de la surveillance de l’établissement assujetti. L’AMLA vérifiera que ces collèges sont établis et fonctionnent de manière cohérente.

 

Par ailleurs, la Commission européenne a constaté que l’absence d’organe central de coordination au niveau de l’UE nuisait à la coopération entre les autorités nationales de surveillance et les cellules de renseignements financiers.

 

Le projet de règlement AMLA prévoit également la mission de coordination des actions des différentes cellules de renseignements financiers des États-membres, notamment via la conduite d’analyses conjointes. L’AMLA ne sera pas une cellule de renseignement financier et ne pourra pas se substituer aux cellules de renseignement financier nationales mais aura pour mission de faciliter la transmission d’information et la coordination des actions.

 

L’AMLA pourra également demander des données et des analyses des différentes cellules de renseignement financier, collecter des informations en relation à l’activité de ces cellules de renseignement financier et produire des orientations et des recommandations sur les thématiques analysées.

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