La fiscalité dans le cadre des cessions de cryptoactifs (partie 1/2)

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Qu’est-ce qu’un cryptoactif ? 

 

Selon l’AMF : « Les « cryptomonnaies », plutôt appelés « cryptoactifs », sont des actifs numériques virtuels qui reposent sur la technologie de la blockchain (chaîne de blocs) à travers un registre décentralisé et un protocole informatique crypté. Un cryptoactif n’est pas une monnaie. Sa valeur se détermine uniquement en fonction de l’offre et de la demande. Les cryptoactifs ne reposent pas sur un tiers de confiance, comme une banque centrale pour une monnaie. » 

De manière plus large, les actifs numériques sont des actifs virtuels stockés sur un support électronique permettant à une communauté les acceptant en paiement de réaliser des transactions sans avoir à recourir à la monnaie légale. 

Les crypto-monnaies ne sont donc pas une monnaie au sens juridique du terme puisqu’elles ne dépendent d’aucune institution et ne bénéficient d’aucun cours légal dans aucun pays. En principe son évaluation de valeur est difficile et ne peut pas être épargnée afin de constituer une valeur de réserve, même si ce dernier point connait des exceptions avec l’apparition des stable coins. 

 

Dès lors, de quel régime fiscal dépendent les cryptoactifs ?

 

Depuis le 1er janvier 2023, il y a eu une évolution de la fiscalité des cryptoactifs avec l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2022 et plus particulièrement de son article 70 : 

« Après le 1° du 2 de l’article 92 du code général des impôts, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé : « « 1° bis Les produits des opérations d’achat, de vente et d’échange d’actifs numériques effectuées dans des conditions analogues a ̀ celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à̀ titre professionnel a ̀ ce type d’opérations ; » 

II.-Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2023. »

Avec cette modification nous ne faisons plus la distinction de régime fiscal entre une cession de cryptoactifs réalisée par une personne à titre occasionnel ou habituel mais une distinction entre une cession de cryptoactifs réalisée par une personne dans le cadre d’une activité non professionnelle et dans le cadre d’une activité professionnelle.

 

Cette modification de distinction permet une meilleure délimitation entre les deux qualifications. En effet, le caractère habituel et occasionnel a posé de nombreuses difficultés de qualification en raison des critères peu objectifs, à savoir : les montants pouvant être investis ou la régularité des cessions au cours de l’année.

Depuis le 1er janvier 2023, les produits des opérations d’achats, de vente et d’échange de cryptoactifs qui sont effectuées dans des conditions analogues à celles des professionnelles revêtent cette qualification et seront donc soumis au même régime fiscal, à savoir celui des bénéfices non commerciaux (Article 92, 2.1° bis du Code général des impôts (ci-après “CGI”)). 

L’activité professionnelle non commerciale est définie par l’article 92, 1. du CGI  : 

« Sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. »

En d’autres termes, il s’agit d’une personne physique ou morale soumise à l’impôt sur le revenu ayant une activité qui dégage des bénéfices qualifiés de non commerciaux. Au-delà de cette définition, la distinction sera faite sur la base de différents critères qualitatifs : 

  • Le montant des plus-values annuelles globales provenant de l’activité par rapport aux revenus du foyer fiscal ;
  • L’utilisation d’outils, de programmes professionnels ; 
  • La complexité des opérations réalisées. 

Il est également possible que l’administration fiscale utilise des critères supplémentaires déjà utilisés, notamment dans le cadre des régimes BIC à savoir : 

  • Une participation aux actes nécessaires à l’activité ;
  • De manière personnelle ; 
  • De manière continue ; 
  • Et de manière directe.

Dès lors, l’activité non professionnelle apparaît comme une définition négative et regroupe les activités qui ne rentrent pas dans le cadre de l’activité professionnelle, limitant cette catégorie aux personnes physiques. En effet, la personne morale sera toujours considérée comme agissant dans le cadre de son activité professionnelle et relèvera, comme nous allons le voir, du régime des plus-values professionnelles. 

 

Partie I – Le non professionnel : le particulier

 

Comme vu précédemment l’activité non professionnelle est l’activité exercée par une personne physique qui ne rentre pas dans le champ d’application des activités professionnelles et plus particulièrement des activités professionnelles relatives aux bénéfices non commerciaux. 

En ce sens, le régime fiscal applicable est celui des plus-values sur actifs numériques réalisées par des personnes physiques selon l’article 150 VHbis du CGI.

Nous allons donc nous intéresser maintenant à la cession de cryptoactifs et plus particulièrement à son champ d’application (A) et à la détermination de la base imposable (B).

 

    A – Dans le cadre d’une cession de crypto actifs

 

Selon l’article 150VH bis du CGI, les personnes physiques qui sont domiciliées fiscalement en France au sens de l’article 4B de ce même code, et qui vont directement ou par le biais d’un intermédiaire, réaliser une cession à titre onéreux, vont être soumises à l’impôt sur le revenu dans les conditions de l’article 150VH bis du CGI.

Selon l’article 4B, une personne domiciliée fiscalement en France est une personne qui a son foyer ou son lieu de séjour principal en France ; ou une personne qui exerce une activité professionnelle, qu’elle soit salariée ou non, en France ; et les personnes qui ont, à défaut, en France, le centre de leurs intérêts économiques. 

Les dirigeants de l’entreprise dont le siège social est situé en France et qui réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 250M d’euros seront considérés comme exerçant en France leur activité professionnelle à titre principal. Cette présomption est simple et pourra être combattue par l’apport de preuves contraires. 

Par ailleurs sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l’Etat, de collectivités territoriales ou de la fonction publique hospitalière qui vont exercer leurs fonctions dans un pays étranger mais qui seront soumis à l’impôt sur le revenu en France.

 

        a – Le champ d’application 

 

Le régime des plus-values dans le cadre d’une cession de cryptoactifs s’applique pour les personnes physiques réalisant des cessions dont la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition excède 305 euros. 

Ce régime exclut les opérations d’échange sans soulte entre actifs numériques selon l’article L.54-10-1 du Code monétaire et financier (ci-après “CMF”). 

Pour rappel l’article L.54-10-1 du CMF précise que les actifs numériques regroupent : 

  • Les jetons répondant à la définition suivante : 
    • Bien incorporel numérique représentant un ou plusieurs droits qui peuvent être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’une blockchain permettant d’identifier directement ou indirectement le propriétaire du bien  
  • Toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou une autorité publique qui n’est pas rattachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique de monnaie, mais qui est acceptée par les personnes comme un moyen d’échange et qui peut être transféré, stocké ou échangé électroniquement.

Par conséquent, l’article exclut les « Security tokens » qui relève du régime fiscal spécifique des valeurs mobilières. 

Dès lors une personne réalisant des cessions de cryptoactifs pour un résultat supérieur à 305 € au cours de l’année d’imposition sera soumise à ce dispositif. 

Intéressons-nous dès à présent à la détermination de la base imposable avec dans un premier temps la détermination du prix de cession (i). Par la suite, nous aborderons la détermination du prix d’acquisition global (ii) et de la valeur globale du portefeuille (iii) afin de déterminer la valeur des plus-values nettes imposables (iv). Pour finir nous nous intéresserons aux obligations déclaratives (v) liées à ce régime d’imposition particulier.

 

        b – Détermination de la base imposable 

 

La détermination de la base imposable est importante afin de déterminer le choix d’option d’imposition que pourra faire le cédant. En effet, dans ce régime de plus-value d’imposition des plus-values le cédant aura le choix entre la « flat tax », ou le prélèvement forfaitaire unique à un taux de 30 %, ou l’option d’être imposé au barème progressif.

Tableau du barème progressif pour le revenu 2022 :

Tranches de revenus

Taux d’imposition de la tranche de revenu

Jusqu’à 10 777 €

0 %

De 10 778 € à 27 478 €

11 %

De 27 479 € à 78 570 €

30 %

De 78 571 € à 168 994 €

41 %

Plus de 168 994 €

45 %

 

            i – La détermination du prix de cession 

 

Selon l’article 150VH bis du CGI, le prix de cession s’entend comme le prix réel qui va être perçu ou la valeur de la contrepartie obtenue par le cédant en échange de la cession de son cryptoactif. Ce prix de cession peut subir une déduction, avec l’apport de justificatifs des frais supportés par le cédant à l’occasion de cette cession. Par exemple : des frais induits par les plateformes de trading.

Dès lors, une cession de cryptoactifs est imposable : 

  • Lorsqu’il s’agit d’une opération de cession d’un cryptoactif en contrepartie d’une monnaie ayant cours légal ; 
  • Lors de l’acquisition d’un bien en paiement par cryptoactif. Ici, le prix de cession équivaudra à la valeur du bien acquis ; 
  • Lors du paiement d’une prestation de services par un cryptoactif. Ici, le prix de la prestation de service équivaudra à la contrepartie versée pour la prestation ; 
  • Lors d’une opération d’échange d’actifs numériques avec soulte. Ici, le prix de cession sera la somme de la soulte reçue et la valeur des actifs échangés. 

Méthode de calcul :

Prix de cession = contrepartie réelle reçue – les frais de cession

 

            ii – La détermination du prix d’acquisition

 

La détermination du prix d’acquisition va venir en diminution du prix de cession afin de déterminer le montant de la plus-value ou de la moins-value brute.  

Le montant du prix total d’acquisition est égale à « la somme des prix effectivement acquittés en monnaie ayant cours légal à l’occasion de l’ensemble des acquisitions d’actifs numériques ou de droits s’y rapportant réalisées avant la cession et de la valeur de chacun des services et des biens, autres que des actifs numériques ou droits s’y rapportant remis lors d’échanges ayant bénéficié du sursis d’imposition prévu au A du II, comprenant le cas échéant les soultes versées, remis en contrepartie d’actifs numériques ou de droits s’y rapportant avant cette même cession ».

Si l’acquisition est faite à titre gratuit, lors d’une opération de staking, de minage, de participation à un pool de liquidité ou de prêt, le prix d’acquisition à retenir est la valeur retenue des droits de mutation à titre gratuit ou de la valeur réelle du cryptoactif à la date de l’acquisition. 

Dans le cadre de cession antérieure à celle réalisée par le cédant, le prix total d’acquisition est diminué de la fraction du capital initial correspondant à la valeur d’acquisition pris en compte pour le calcul de la plus-value de cession antérieure en dehors des cessions bénéficiant du sursis d’imposition. Par ailleurs, lors d’une cession avec une soulte antérieure à la cession imposable, le prix total d’acquisition est minoré du montant de la soulte.  

Méthode de calcul :

Plus-value / moins-value brute = Prix de cession – [Prix total d’acquisition x Prix de cession / Valeur globale du portefeuille]

 

            iii – La détermination de la valeur globale du portefeuille

 

Il s’agit de la somme des valeurs de l’ensemble des cryptoactifs du portefeuille détenu par le cédant au moment de la cession imposable.

 

            iv – Les plus-values nettes imposables  

 

Les moins-values brutes que va subir le cédant au cours de l’année imposable au titre des cessions de cryptoactifs, vont être imputées exclusivement sur les plus-values brutes issue des cessions de cryptoactifs au cours de cette même année. 

Méthode de calcul :

Plus-values nettes = Plus-value brute – Moins-value brute

 

            v – Les obligations déclaratives

 

Le cédant devra mentionner dans sa déclaration annuelle le montant global de la plus ou moins-value réalisée au titre des cessions de cryptoactifs imposable au cours de l’année. Le cédant devra joindre une annexe sur laquelle est mentionnée et évaluée l’ensemble plus-values et moins-values pour les cessions imposables et le montant des cessions exonérées. 

 

 

Sources : 

“Qu’est-ce qu’une “cryptomonnaie” ?”, AMF, https://www.amf-france.org/fr/quest-ce-quune-cryptomonnaie#:~:text=Les%20%C2%AB%20cryptomonnaies%20%C2%BB%2C%20plut%C3%B4t%20appel%C3%A9s,n’est%20pas%20une%20monnaie (Consulté le : 02/10/2023).

Inspection générale des finances, Marc AUBERGER, Ivan SALIN, Valentin MELOT. (Mai 2023) Les jetons à vocation commerciale dans l’économie française : cas d’usage et enjeux juridiques. Paris. Disponible sur : https://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2023/2022-M-062-05_Rapport_clean.pdf (Consulté le : 02/10/2023). 

“Quel est le barème de l’impôt sur le revenu ?”, service public, https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1419 (Consulté le : 02/10/2023).

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