MiCA – Les abus de marché selon l’ESMA

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Le 25 mars dernier, l’Autorité Européenne des Marchés Financiers (AEMF) / l’European Securities and Markets Authority (ESMA) a publié son 3e Consultation Paper qui couvre plusieurs sujets relatifs au Règlement MiCA, notamment sur les abus de marché. 

 

Les abus de marché dans la finance traditionnelle

 

Pour rappel, le droit financier traditionnel distingue 3 catégories de comportements fautifs caractérisant un abus de marché (Règlement 596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché, dit “Règlement MAR”) : 

  • L’information privilégiée ; 
  • L’opération d’initié ; 
  • La manipulation de cours.



Une reprise des abus de marché dans MiCA

 

Ces trois comportements fautifs sont repris dans le Règlement MiCA. En effet, les abus de marché sont encadrés par le Titre VI dudit Règlement lequel reprend, en substance, les définitions de tels comportements données par le Règlement MAR pour les adapter aux crypto-actifs. L’article 92 de MiCA précise que “toute personne qui organise ou exécute à titre professionnel des transactions portant sur des crypto-actifs dispose de dispositifs, de systèmes et de procédures efficaces pour prévenir et détecter les abus de marché […]”.

 

Une question demeurait cependant non résolue : fallait-il calquer les règles du Règlement MAR dans MiCA en procédant par analogie, ou bien fallait-il tenir compte du régime spécifique du monde des crypto-actifs ? Le doute subsistait puisque le considérant 95 de MiCA affirme que les CASP sont “fréquemment des PME” et qu’il serait disproportionné de soumettre ces acteurs aux dispositions de MAR, lesquelles seraient susceptibles de générer une charge administrative trop lourde.

 

L’ESMA indique que certaines exigences prévues dans le Règlement MAR devraient être étendues aux acteurs entrant dans le champ d’application des abus de marché MiCA (voir ci-dessous) en ce sens que, d’après elle, la majorité des comportements anormaux du monde crypto empruntent les mêmes patterns que ceux de la finance traditionnelle. 



Une précision du champ d’application des abus de marché de MiCA

 

Dans son projet de RTS, l’ESMA précise le champ d’application de l’article 92 de MiCA. Celui-ci concerne les CASP (Crypto-Asset Services Providers) fournissant les services suivants:

 

  • Exploitation d’une plateforme de négociation, 
  • Réception-transmission d’ordres, 
  • Exécution d’ordres cryptos pour le compte de leurs clients, 
  • Gestion de portefeuille crypto pour le compte de leurs clients, 
  • Echange crypto/fiat, 
  • Echange crypto/crypto.

 

Ledit article s’applique également aux personnes négociant pour compte propre des cryptos à titre professionnel ou dans le cadre de leur activité professionnelle. Des indices permettent de caractériser une telle activité :  le fait qu’ils disposent d’un personnel ou d’une structure dédiée à négocier systématiquement pour compte propre (comme un trading desk par exemple).



Des précisions sur les dispositifs, systèmes et procédures en matière de prévention et de détection des abus de marché 

 

S’agissant des dispositifs, systèmes et procédures susmentionnés, l’ESMA invite ces acteurs à doter ces systèmes de capacités techniques telles que la possibilité de rejouer et d’analyser les données du carnet d’ordres, mais également de fonctionner dans un environnement de trading algorithmique. Ces systèmes doivent permettre d’analyser chaque transaction exécutée et chaque ordre passé, modifié, annulé ou rejeté dans les systèmes, sur et en dehors d’une plateforme de négociation. En outre, les CASP exploitant une plateforme de négociation doivent être en mesure d’analyser chaque ordre saisi ou transaction conclue sur leur plateforme. Ces systèmes doivent également produire des alertes indiquant une activité suspecte. 

 

Ces dispositifs, systèmes et procédures doivent être documentés et faire l’objet d’une évaluation régulière. Ils ne doivent pas être entièrement automatisés : l’ESMA invite à maintenir un niveau adéquat d’intervention humaine en matière de détection des abus de marché. Le personnel doit également être formé à ce sujet.

 

Enfin, il est à noter que l’ESMA offre la possibilité aux CASP de déléguer la prévention/détection des abus de marché à des tiers. Il s’agit selon nous d’un cas d’externalisation. Il est à parier que de nombreux éditeurs d’outils spécialisés se positionneront sur ce marché. 



Déclaration des ordres et des transactions suspects

 

Dans le projet de RTS figure le template sur la déclaration des ordres et transactions suspects (STOR – Suspicious Transactions and Order Reports).

 

Celui-ci est adapté pour refléter les spécificités du monde crypto : il inclut notamment l’identification de la crypto et le type de blockchain utilisé (lorsque le comportement suspect est lié aux aspects liés au fonctionnement de la blockchain).

 

L’ESMA est ouverte aux commentaires de l’industrie pour mieux l’adapter au monde crypto. En effet, dans le template de l’ESMA figure par exemple la localisation de la blockchain, mais l’ESMA s’interroge sur le fait d’inclure l’adresse IP du mineur/nœud de validation du réseau lorsque celui-ci est masqué (VPN).

 

La reconnaissance du MEV comme potentiel cas d’abus de marché

 

L’ESMA reconnaît que certaines pratiques à l’instar du MEV (Maximum Extractable Value) peuvent être considérées comme des formes d’abus de marché. 

 

Le MEV est une stratégie où un mineur/validateur utilise sa position pour réorganiser les transactions de manière à profiter des informations sur les transactions futures, leur permettant de réaliser des bénéfices au détriment d’autres participants du marché.



Abus de marché cross-border

 

L’ESMA relève que MiCA mentionne les abus de marché transfrontière sans les définir. L’ESMA propose des exemples :

  • Lorsque la personne qui commet le comportement suspect se trouve dans un pays autre que celui où est négocié la crypto ; 
  • Lorsque l’abus de marché est commis dans une juridiction différente de celle où le CASP est enregistré ;  ou 
  • Lorsqu’il est perpétré via un CASP agréé et opérant dans plus d’un État membre. 

 

Pour les sanctions, la règle du non-bis idem devrait s’appliquer et l’ESMA jouera un rôle de coordinateur des enquêtes lancées par au moins deux autorités nationales. 

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