Publication de l’affaire Anglo Austrian AAB contre la Banque centrale européenne

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Le 12 septembre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt majeur dans l’affaire C-579/22, confirmant que la Banque centrale européenne (BCE) peut retirer l’agrément d’un établissement de crédit en raison de manquements graves aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Cette décision s’inscrit dans la lignée de l’arrêt Versobank AS du 7 septembre 2023 précisant que la BCE est bien compétente pour retirer un agrément bancaire en matière de LCB-FT, mais doit prononcer le retrait d’agrément sur des motifs liés à la LCB-FT après consultation de l’autorité nationale compétente en la matière. 

L’arrêt rendu dans le cadre du litige opposant la BCE à la banque autrichienne Anglo Austrian AAB AG, précise l’étendue des pouvoirs de la BCE et leur interaction avec les réglementations nationales.

Bien que la BCE ne soit pas directement compétente en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux (LCB-FT), cette décision de la CJUE étend ses pouvoirs en matière de conformité LCB-FT. En effet, elle affirme qu’elle peut, dans le cadre de son rôle prudentiel, retirer un agrément bancaire en cas de gestion insuffisante des risques BC-FT. Cela renforce son influence indirecte sur la conformité des établissements de crédit aux normes de LCB-FT, même en l’absence de violation avérée de la législation.

Les principales défaillances pouvant justifier un retrait d’agrément par la BCE après consultation des autorités nationales compétentes sont définies dans le cadre du Mécanisme de Supervision Unique (MSU), de l’article 14 du règlement UE n°1024/2013 et de la directive CRD IV. Elles concernent principalement :

  • La gouvernance : des failles dans la gestion des risques BC-FT peuvent motiver une action de la BCE.
  • Les processus de détection et de suivi des risques : la capacité à identifier et documenter les risques de blanchiment est essentielle.
  • Le contrôle interne : un dispositif de contrôle insuffisant peut entraîner des sanctions.

 

Un point clé de l’arrêt est que la BCE peut intervenir sans qu’un cas concret de blanchiment ait été constaté. Une gestion déficiente de ces risques suffit à justifier une action.

Cette décision a un impact sur la supervision et les pratiques bancaires. L’arrêt souligne l’importance d’une gestion rigoureuse des risques de blanchiment, notamment dans des secteurs à risque comme les crypto-actifs et la finance transfrontalière. Des régulateurs comme la FINMA (Autorité Fédérale de Surveillance des Marchés Financiers) en Suisse appliquent déjà une approche similaire. Pour les établissements bancaires, cela implique une vigilance accrue et un renforcement des dispositifs de conformité et de contrôle interne.

Cela amène à une réflexion sur l’approche de la BCE qui considère désormais la gestion des risques BC-FT comme un enjeu central de la supervision bancaire. Ses publications récentes, telles que The ECB and anti-money laundering: what we can and cannot do, confirment son engagement à intervenir sur les insuffisances en matière de gestion des risques liés à la LCB-FT.

Pour conclure, l’arrêt C-579/22 renforce le rôle de la BCE et marque une avancée importante en affirmant le pouvoir de la BCE de sanctionner les manquements graves aux règles de LCB-FT. Il envoie un signal fort aux établissements financiers sur la nécessité d’une conformité stricte, consolidant ainsi la stabilité et l’intégrité du secteur bancaire européen.

Source :  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:62022CJ0579

 

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