1. Présentation du Global Terrorism Index 2025
L’Institute for Economics & Peace (IEP), un groupe de reflexion international basé à Sydney, vient de publier l’édition 2025 de son Global Terrorism Index (GTI), qui analyse l’impact du terrorisme sur la base des résultats de l’année 2024. Cet indice, publié depuis 2000 est une référence mondiale pour mesurer le risque terroriste en combinant des données sur les attaques, les décès, les blessés et les prises d’otages.
L’édition 2025 suit une structure en plusieurs parties :
Une synthèse générale avec les chiffres clés et le classement des pays les plus exposés,
Trois volets thématiques relatifs aux tendances globales de l’extension du terrorisme dans le monde, le contexte terroriste au Sahel et l’essor de l’État Islamique.
2. Expansion du terrorisme et tendances globales
Le GTI 2025 met en évidence l’extension du terrorisme dans le monde. En 2024, le nombre de pays touchés par au moins un attentat est passé de 58 à 66, marquant une diffusion accrue de la menace. 7 555 décès liés au terrorisme ont été enregistrés, soit une baisse de 13 % par rapport à 2023, mais cette réduction est en grande partie due à un effondrement de l’activité terroriste au Myanmar (-85 %). Sans cette baisse spécifique, le nombre d’attaques aurait augmenté de 8 % à l’échelle mondiale.
Le terrorisme en Occident connaît une recrudescence, avec une hausse des attaques de 32 à 52 en 2024. En Europe, les incidents ont doublé, notamment en Suède, Australie, Finlande, Pays-Bas, Danemark et Suisse. Ces attaques sont majoritairement le fait d’acteurs isolés radicalisés en ligne, soulignant le rôle croissant des plateformes numériques dans la propagation des idéologies extrémistes.
Par ailleurs, la Russie (score 6.267) connaît une hausse de 21 places, conséquence de la recrudescence des attaques terroristes. L’Allemagne (4.748, classée 27ème) devient le premier pays européen du classement, en hausse de 13 places.
L’augmentation des actes terroristes en Occident et dans certaines régions stratégiques met en lumière l’urgence de renforcer la lutte contre le financement du terrorisme. Les groupes extrémistes s’appuient sur des mécanismes financiers sophistiqués et de plus en plus difficiles à détecter, notamment à travers les cryptomonnaies, les transferts de fonds informels et l’exploitation d’organisations à but non lucratif (comme les associations). Pour contrer ces stratégies, les assujettis à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) doivent adopter des mesures renforcées afin de mieux identifier et bloquer ces flux illicites.
L’un des leviers les plus efficaces reste l’application rigoureuse du KYC (Know Your Customer) et du KYT (Know Your Transaction). Un contrôle strict des bénéficiaires effectifs des transactions permet de mieux identifier les acteurs impliqués dans des circuits suspects et de garantir la transparence des flux financiers. L’analyse en temps réel des opérations internationales doit également être renforcée, en particulier pour les transactions impliquant des zones à haut risque ou des montants fractionnés destinés à échapper aux seuils de déclaration.
3. Le Sahel : Épicentre mondial du terrorisme
Le Sahel, alimenté par l’instabilité politique, la prolifération des groupes armés et des rivalités autour des ressources naturelles est désormais la région la plus touchée, représentant 51 % des décès mondiaux liés au terrorisme. Cinq des dix pays les plus impactés s’y trouvent, avec le Burkina Faso en tête, malgré une baisse des attaques (-57 %) et des morts (-21 %). À l’inverse, le Niger connaît la plus forte hausse des décès, avec une augmentation de 94 %, confirmant la fragilité des progrès en matière de sécurité.
Le financement des groupes terroristes opérant dans le Sahel repose en grande partie sur des circuits financiers informels, facilitant l’opacité des transactions et la dissimulation des bénéficiaires réels. L’exploitation des ressources naturelles, comme l’or, le pétrole ou le trafic de bois, ainsi que les rançons issues d’enlèvements, constituent des sources majeures de financement pour ces organisations. Face à ces enjeux, la surveillance des flux financiers en provenance et à destination de cette région doit être considérablement renforcée.
Les établissements financiers doivent intensifier leur vigilance sur les transactions impliquant des entités opérant dans des secteurs sensibles, comme les industries extractives et le commerce transfrontalier. La mise en place d’alertes transactionnelles spécifiques permettrait d’identifier les flux suspects et d’améliorer la traçabilité des fonds à haut risque. Par ailleurs, un suivi accru des opérations en espèces est essentiel, notamment dans les zones frontalières où les transactions non déclarées peuvent facilement être utilisées pour financer des activités terroristes.
Enfin, la coopération entre les cellules de renseignement financier (CRF) des différents pays doit être renforcée afin de faciliter le partage d’informations sur les circuits de financement illicites. Des accords internationaux favorisant une surveillance plus efficace des transactions transfrontalières et des échanges de données en temps réel contribueraient à limiter l’implantation financière des groupes extrémistes dans ces régions fragiles.
4. Acteurs majeurs et nouvelles menaces
L’État Islamique et ses affiliés demeurent les groupes terroristes les plus meurtriers, totalisant 1 805 morts dans 22 pays. Les groupes JNIM, Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP) et al-Shabaab continuent également de renforcer leur influence, contribuant à une hausse globale de 11 % des décès (4 204 au total). Un défi majeur réside dans le fait que 36 % des attaques ne sont pas revendiquées, rendant difficile l’identification des responsables.
Le rapport met en garde contre l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle (IA) par les groupes terroristes. Cette technologie facilite la création de deepfakes, l’automatisation de la propagande, et l’instruction à distance pour le recrutement et la planification d’attaques. En parallèle, les agences de renseignement explorent également l’IA pour améliorer la détection des menaces et le démantèlement des réseaux extrémistes.
Néanmoins même si l’IA représente un risque en facilitant certaines activités terroristes, elle constitue également un levier stratégique pour améliorer la détection des opérations suspectes. Les institutions financières et les régulateurs exploitent de plus en plus cette technologie pour analyser de grands volumes de données transactionnelles, détecter des anomalies et renforcer la traçabilité des flux financiers. Grâce aux algorithmes de machine learning, il devient possible d’identifier les schémas transactionnels suspects et de signaler en temps réel des activités potentiellement criminelles.
Toutefois, l’usage de l’IA dans la détection des risques financiers et la LCB-FT doit être encadré pour garantir son efficacité et sa conformité aux exigences réglementaires. À cet égard, plusieurs initiatives législatives visent à assurer une utilisation responsable et transparente de ces technologies.
Face aux risques liés à l’usage de l’IA par des groupes criminels, les régulateurs internationaux mettent en place de nouvelles réglementations visant à encadrer son développement et son utilisation. L’AI Act, entré en vigueur en février dernier, prévoit un cadre strict pour garantir que les modèles d’intelligence artificielle utilisés, y compris dans les domaines de la conformité et de la finance, soient transparents, explicables et conformes aux exigences éthiques.
Cet encadrement réglementaire impose aux entreprises développant ou utilisant l’IA dans des secteurs critiques, comme la LCB-FT, de garantir que leurs modèles ne fonctionnent pas comme des « boîtes noires ». Les algorithmes devront être audités pour démontrer leur capacité à produire des résultats fiables, compréhensibles et non discriminatoires.
Les régulateurs financiers, comme l’Autorité bancaire européenne (EBA) et le GAFI (Groupe d’action financière), insistent également sur l’importance de la traçabilité des décisions algorithmiques dans la surveillance des flux financiers. L’objectif est d’éviter une dépendance excessive à des modèles opaques, qui pourraient générer des faux positifs ou masquer des transactions à risque.
En combinant ces efforts réglementaires avec une approche basée sur la transparence et l’explicabilité des modèles d’IA, les autorités espèrent renforcer l’efficacité des dispositifs de LCB-FT, tout en réduisant les risques d’abus par des groupes criminels.
Ainsi, même si l’IA constitue un outil puissant pouvant être détourné à des fins terroristes, son encadrement progressif par les régulateurs et son intégration dans les dispositifs de conformité permettront d’en faire un allié clé pour la sécurité financière internationale.
Conclusion
Le Global Terrorism Index 2025 met en évidence des tendances préoccupantes en matière de financement du terrorisme. L’essor des groupes terroristes au Sahel, l’utilisation croissante des cryptomonnaies et des plateformes numériques, ainsi que les flux financiers opaques compliquent la détection des fonds illicites.
Ces évolutions renforcent l’importance :
-D’un renforcement du KYC et KYT pour mieux identifier les flux suspects.
-D’une surveillance accrue des transactions en cryptomonnaies et des circuits financiers informels.
-De l’utilisation de l’intelligence artificielle pour améliorer la détection des opérations suspectes.
En mobilisant ces outils et en intensifiant la coopération internationale, les acteurs du secteur financier et les autorités de régulation peuvent renforcer efficacement la lutte contre le financement du terrorisme et le blanchiment de capitaux.
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Source : https://www.economicsandpeace.org/wp-content/uploads/2025/03/Global-Terrorism-Index-2025.pdf